Pierre Flament (3 juin 1878-1er août 1916)
Longtemps porté comme disparu, Pierre Flament est mort
en brave, le fusil mitrailleur à la main, essayant de se dégager
et de protéger son bataillon, dans une violente attaque de l'en-
nemi accompagnée de gaz asphyxiants, au Bois-Fumin, secteur.
des Éparges, au pied des côtes de Meuse, qui vit tant de cruels
et impuissants combats.
Dans la première campagne de 1914, le lieutenant Flament avait
été blessé, cité et décoré. Versé au 413e régiment d'infanterie,
il est nommé capitaine en 1915 et occupe avec sa compagnie
un secteur au sud de la Somme, qu'il quitte momentanément
pour aller procéder à l'évacuation des fonds d'archives conservés
au palais Saint-Vaast d'Arras, déjà en partie détruits par le
bombardement, et dont il assumait la direction avant la mobi-
lisation. Bientôt après, son régiment vient se poster en soutien
au sud, puis au nord d'Arras, et est fortement éprouvé par de
nombreuses attaques en avant de Souchez. Plus tard, en 1916,
il est envoyé en Haute-Alsace, où l'artillerie ennemie intensifie
son activité, puis au nord des Éparges, où se livrent de furieux
assauts. C'est là qu'une grenade éclata au-dessus du capitaine,
qui tomba dans la tranchée, la tête ouverte, tué sur le coup.
Son courage et son sang-froid étaient légendaires ; il suppor-
tait fatigues et privations avec une impassibilité qui semblait
confiner à l'indifférence. Tous avaient confiance en lui ; on
connaissait et l'on appréciait son cœur loyal et sa générosité
discrète. Les hommes de sa compagnie qui survécurent à ces
heures tragiques furent faits prisonniers, et, dans leur lointaine
résidence, ne céssaient de parler de lui avec une admiration
mêlée d'une profonde et sincère affection.
Même au front, Flament conservait l'amour de la lecture et
du travail, par quoi il savait combattre les longues heures d'en-
nui. Il a été un travailleur modeste, modeste avec passion,
ayant toujours rempli sa tâche avec conscience, aimant son
métier, trouvant plaisir à la culture des belles-lettres et des
classiques. Licencié ès lettres, il fit ses débuts à la Bibliothèque
nationale ; mais la vie de Paris ne l'enthousiasmait pas. Passé
sur sa demande dans le service des archives, il fut successive-
ment titulaire du poste départemental de l'Allier et de celui du
Pas-de-Calais, qu'il occupait depuis peu de temps au moment de
la déclaration de guerre. Son activité scientifique eut donc pour
principal objet le Bourbonnais, où il devint très vite collabora-
teur actif et président de la Société d'émulation. On lui doit
l'édition du Mémoire de la généralité de Moulins de l'intendant
Le Vayer, et des Lettres inédiles de P.-A. Grimaud, vicaire épis-
copal de l'Allier pendant la Révolution, l'inventaire des archives
hospitalières de Gayette, une étude sur les documents judi-
ciaires du greffe de Moulins (Bibliographe moderne, 1912), et une
autre sur la charte de fondation de Chantelle (Moyen-Age, 1914) ;
quelques semaines avant son départ pour le front, paraissait à
Moulins un petit volume in-16, — sa dernière production, —
intitulé : Petits dossiers révolutionnaires (1789-1799), où la séré-
nité scientifique ne laisse place à nulle interprétation fâcheuse.
Sa thèse sur Philippe de Harlay, ambassadeur de France en
Turquie sous Louis XIII, a paru partiellement en 1901 dans la
Revue d'histoire diplomatique. D'autres sujets abordés étaient
en préparation, on ne les connaîtra jamais. Mais l'héroïsme du
capitaine Flament ne sera pas oublié.