Eugène Berger (7 mars 1889-13 octobre 1917)

Eugène Berger (7 mars 1889-13 octobre 1917)
Eugène Berger.
© Ecole nationale des chartes

Les belles citations qui illustrent le nom d'Eugène Berger résument admirablement la carrière militaire de ce brave entre les braves : réformé, engagé volontaire, il vole au secours dé la patrie en danger et prend part à la première campagne d'Alsace. Soldat au 172e, puis sergent au 242e d'infanterie, il est ensuite (1915) affecté à l'armée d'Orient, d'où il revient avec une blessure grave reçue aux portes de Monastir, mais qui n'a pas mis ses jours en danger ; guéri, il devient sous-lieutenant au 2e régiment d'infanterie légère d'Afrique et commande au Maroc un poste de Sénégalais dont il a su vite se faire aimer et respecter. Chargé de pacifier la région de Tadla, où une certaine effervescence s'est manifestée, il se heurte, à Rhorm-el-Allem, à un  groupe de 500 à 600 Marocains bien armés, surgissant à une courte distance ; il soutient le choc sans faiblir, mais succombe sous le nombre, dans un corps à corps terrible, frappé d'un coup de sabre à la tête par un Chleuh. La poignée d'hommes qui l'assistent s'est fait hacher sur le corps de son chef. Une nature énergique comme la sienne devait désirer une pareille mort. Telle elle était d'ailleurs, telle elle se révèle dans les lettres et journaux de route qu'ont publiés des mains amies. C'est, après une belle page où il décrit l'âpre et sauvage nature des bords du Vardar, un émouvant récit de marches ininterrompues, entrecoupées d'escarmouches avec les Bulgares. C'est, après une savoureuse description de Casablanca, de Boujad, ou de l'Atlas violet s'estompant dans les brumes du soir, un rapide souvenir donné à ses auteurs préférés : Horace, « un petit Horace qui ne m'a jamais quitté et qui porte encore les traces des boues du Vardar », saint François d'Assise, Villon, Rabelais, Mistral, Baudelaire, capables de lui rendre moins longs les jours monotones de .la vie errante, dans un pays déshérité. Il s'est pris à l'aimer, cette vie à laquelle rien cependant nè l'avait préparé, au point que, pour lui, « le premier homme qui a construit une maison était un criminel ». Il semble qu'il ait là-bas, avec ses compagnons d'armes, au cimetière de Kasbah-Tadla, non loin de la redoute qui porte aujourd'hui son nom, le tombeau qu'il avait souhaité. Le général Poeymireau, venu à l'enterrement, leur a rendu un dernier hommage, « laissant pour veiller sur eux une femme qui ne vous quitte plus jamais quand elle vous a embrassés une fois, la gloire ! la gloire la plus pure, celle des hommes qui ont versé leur sang pour la patrie ». Officier sérieux, convaincu et zélé, d'une correction parfaite, plein d'entrain et de gaieté, toujours prompt à l'action, il avait tenu à aller au front pour y avoir sa part de peine ; il y fut un de ces apôtres du devoir dont l'influence est si précieuse aux camps. Eugène Berger, fils du sénateur, membre de l'Institut, appartenait à une famille alsacienne dont plusieurs membres ont bien mérité de la science. Une solide instruction, couronnée par trois années d'étude à l'École des Chartes et par un travail historique et archéologique sur l'église Saint-Père de Chartres, qui fut sa thèse, lui avait ouvert une voie où il ne pouvait manquer de se distinguer à son tour. Il repose dans la terre où il rêvait de vivre, ayant postulé les fonctions d'archiviste du gouvernement marocain.