Etienne Fages (7 décembre 1880-27 décembre 1914)

Fils d'un pharmacien de Bretteville-sur-Laize. (Galvados),
Etienne Fages fit preuve très jeune d'une rare intelligence et
d'une singulière curiosité historique. Doué de peu d'imagination,
mais d'une prodigieuse mémoire, d'une vive passion pour la
lecture, d'un llegme imperturbable, mais d'une nonchalante
irrésolution et d'une philosophie un peu orientale, il avait fait
de bonnes études à l'institut libre de Saint-Lo et passé ses exa-
mens avec dispense d'âge : sa maturité était précoce et son espiè-
glerie proverbiale. Nommé archiviste de la Lozère, il ne demeura
pas longtemps dans ces fonctions, qui cadraient mal avec son
caractère ; du moins voulut-il prouver que son séjour à Mende
n'avait pas été temps perdu : ses Noies d'hisloire gévaudanaise
(1907), où l'industrie des laines en Gévaudan au xviu siècle
tient la meilleure place, sa discussion sur l'identification de
Javols avec « Anderitum », son étude sur la vie de saint Hilaire
en témoignent suffisamment. Mais il n'a jamais tiré aucune
publication de sa thèse sur Jean, duc de Normandie, qui était
une importante contribution à l'histoire du règne de Philippe VI.
Revenu à Paris en 1908, Fages tenta de se faire une place
dans le journalisme, sans y parvenir toutefois ; il songea alors
à s'expatrier, dans l'espoir de trouver dans l'industrie une occu-
pation plus conforme à ses goûts et à la réalisation de ses désirs.
Il se trouvait à Bruxelles au moment de la déclaration de guerre,
et, malgré sa répugnance à endosser l'uniforme, il répondit sans
tarder à l'appel de sa patrie menacée. Sergent au 142e régiment
d'infanterie, le voilà, quelques mois après, engagé dans les terri-
bles combats de l'Yser ; il ne devait pas survivre à l'âpre lutte
qu'il y fallut soutenir. Un jour — le 27 décembre — ses hommes
furent commandés pour sortir d'une tranchée, à Saint-Éloi,
près d'Ypres, et charger à la baïonnette : il prend la tête de la
petite colonne et tombe aussitôt sous une grêle de balles, le
poumon transpercé. Deux heures après il rendait le dernier
soupir, presque sans souffrance, dans les bras de nôtre confrère
R. Latouche, qui appartenait à la même compagnie (1).